Les 1ères leçons à tirer de TicToc, la webTV Twitter de Bloomberg

TicToc cartonne ! Tic… quoi ? Mais si, rappelez-vous, nous en avions parlé en février dernier : Bloomberg lance une chaîne d’infos en continu sur Twitter. Le pari de Bloomberg nous semblait alors très audacieux et, à nos yeux, posait plusieurs questions stratégiques pour tous les éditeurs de contenus. 4 mois après son lancement, l’heure est au premier bilan. 

750 000 spectateurs par jour (fin janvier 2018)…

Fin janvier, Digiday publiait un article pour dresser un premier bilan de TicToc. En un mot : une réussite. En effet, 750 000 utilisateurs et utilisatrices de Twitter regardaient alors, chaque jour, la chaîne d’informations en continu de Bloomberg. Un chiffre considérable pour un projet qui avait alors 6 semaines seulement d’existence.

Cela dit, comme nous l’avons souvent dit au bureau de Ganesh, méfiance envers les statistiques flatteuses.

Les projets de communication ou journalistiques, ainsi que les nouveaux formats créés par les grands acteurs comme Google et Facebook, se regorgent en effet régulièrement de statistiques impressionnantes. A y regarder de plus près cependant, il arrive que le beau château de cartes s’effondre… quand il n’y a pas tromperie manifeste !

De ce point de vue, un bon indicateur complémentaire, pour ce qui concerne Bloomberg, serait le temps passé par internaute sur TicToc. Malheureusement, l’agence de presse ne donne aucune information sur le sujet.

… Et beaucoup moins d’abonné·es au compte Twitter

Un autre indicateur important pour TicToc est le nombre d’abonné·es au compte Twitter de la chaîne. TicToc a en effet son compte Twitter dédié. Au 22 mars 2018, @TicToc comptait 163 000 followers. Est-ce beaucoup ? Peu ? Difficile à dire. Le mieux est encore de comparer aux initiatives similaires. Buzzfeed, par exemple.

Le journal en ligne a en effet, lui aussi, lancé un show télévisé sur Twitter : « AM to DM« . L’émission revendiquait, en octobre 2017, 1 million de spectateurs et spectatrices par jour… mais son compte Twitter est suivi seulement, aujourd’hui (mars 2018), par 17 800 abonné·es.

Capture d'écran du flux vidéo de l'émission Twitter de Buzzfeed : "AM to DM"
Buzzfeed a lui aussi lancé une émission télévisée diffusée sur Twitter.

@TicToc serait donc plutôt bien suivi sur Twitter. Un résultat probablement permis par l’importance qu’accordent les responsables de TicToc à cet indicateur de performance.

Ceux-ci ont en effet déclaré : « au fur et à mesure que nous construisons notre relation avec les utilisateurs, notre capacité à communiquer avec eux est grandement améliorée s’ils nous suivent. » Pour conclure que leur « objectif principal est d’augmenter ce nombre.« 

Malgré les milliers de spectateurs, pourquoi le nombre d’abonné·es reste un indicateur important

Cet intérêt pour les abonné·es peut surprendre. Pourquoi, en effet, y attacher de l’importance alors que les viewers se comptent par centaines de milliers ?

TicToc étant un nouveau média, donc une nouvelle marque, l’enjeu est de se faire connaître et reconnaître.

De ce point de vue, comme nous l’écrivions le mois dernier, proposer une webTV qui dispose d’un flux dédié sur Twitter doit constituer un avantage pour « renforcer la mémorisation de la marque du média« . Un tel dispositif est un atout majeur, étant donné la notoriété et la reconnaissance dont a besoin TicToc. Partant, plus il y aura d’abonné·es, plus ces objectifs (notoriété et reconnaissance) seront susceptibles d’être atteints.

L’enjeu est d’autant plus important que, rappelez-vous, sur les réseaux sociaux, une part très importante d’internautes ne se rappelle pas la source de l’information qu’il a lue 48h après l’avoir consultée !

Trois enseignements de l’expérience « TicToc »

Le premier bilan dressé ici est succinct : nous y reviendrons. En attendant, il est déjà possible de tirer au moins trois leçons de l’expérience TicToc.

1. Produire du contenu riche, ça fonctionne

Atteindre une telle audience (750 000 spectateurs par jour, pour rappel) en si peu de temps relève d’une vraie performance, même s’il faudrait affiner ce critère en analysant aussi le temps que chaque spectateur y passe. Certes, beaucoup de moyens ont été investis (40 personnes travaillent sur le projet) ; certes Bloomberg est une « marque » connue et reconnue.

Pour autant, un tel succès ne pourrait pas exister sans une recette imparable : de nombreux contenus d’excellente qualité.

Une capture d'écran du flux vidéo de Bloomberg. A gauche, la vidéo en continu. A droite, le flux Twitter de TicToc, la WebTV Twitter de Bloomberg.
Le flux vidéo Twitter de Bloomberg est proposé dans une page web séparée du flux Twitter traditionnel. L’impact en matière de mémorisation de marque est forcément supérieur aux tweets noyés dans la timeline classique.

C’est que TicToc bénéficie forcément du travail des centaines de journalistes de l’agence Bloomberg. Une ressource inestimable. Cela, couplé à la notoriété préalable de Bloomberg, aboutit à ce résultat : le public répond présent.

2. TicToc est un grand projet, difficilement imitable tel quel

40 personnes travaillent sur le projet TicToc et 10 salarié·es supplémentaires sont en passe d’être recruté·es. La chaîne d’information sur Twitter de Bloomberg est donc un très gros projet, soutenu par Twitter, avec qui un partenariat a été signé.

Ce genre d’initiative n’est pas donc pas imitable par n’importe quel éditeur de contenus. Comme nous le disions le mois dernier, être présent partout où sont vos publics-cibles est très coûteux.

Ainsi, disions-nous, « chaque canal a en effet ses propres formats et contraintes de publication, sans parler des changements incessants d’algorithmes (qui décident qui voit quoi). Pour l’éditeur de contenus que vous êtes, cela nécessite donc d’avoir les ressources nécessaires pour adapter vos contenus à chacun de ces terrains particuliers. »

A moins que vous ne travailliez pour une entreprise d’une ampleur comparable à l’agence Bloomberg, ce qui est peu probable (on ne sous-estime pas le lectorat du bureau de Ganesh, mais il y a de fait assez peu de Bloomberg dans le monde), le projet TicToc est inimitable tel quel. En revanche, la philosophie qui le guide, elle, peut, voire doit être imitée : la priorité accordée à un support en fonction des publics ciblés.

3. Inutile de vous disperser, mieux vaut se concentrer sur un support

Bloomberg a choisi de lancer une webTV sur Twitter en y investissant de gros moyens. C’est un choix stratégique, mais l’éditeur aurait pu en faire un autre. Par exemple, saupoudrer ces moyens : un peu sur Facebook, sur LinkedIn, sur Instagram, etc. L’agence est bien sûr présente sur tous ces canaux, mais, parmi les réseaux sociaux, ses responsables en ont manifestement choisi un : Twitter.

On peut supposer sans trop de risque que ce choix a été fait en fonction du public-cible du projet. Bloomberg étant une agence de presse très orientée économie, les CSP+ figurent certainement parmi les cibles privilégiés. De ce point de vue, Twitter est un choix cohérent : le réseau social est en effet réputé pour accueillir une population plutôt aisée et diplômée (ceci ne recouvre cependant pas l’ensemble des publics utilisant Twitter, beaucoup plus divers).

Bloomberg a donc fait un pari : privilégier un réseau social sur les autres. un choix risqué mais probablement payant.

Or, ce qui vaut pour Bloomberg, entreprise qui dispose d’importants moyens, vaut a fortiori pour tous les éditeurs de contenus. Être présent partout peut certes sembler être une bonne idée mais se révèle souvent un mauvais choix.

Pour une stratégie éditoriale pensée pour vos publics, pas dictée par les dernières fonctionnalités des GAFA

Tout·e administrateur et administratrice de page Facebook le sait : les plateformes sociales font de moins en moins de cadeaux. Le réseau social a en effet récemment décidé de déclasser les publications des pages… après avoir incité les entreprises à y publier pendant des années ! Ce premier constat en appelle un autre :

Les contenus nécessaires pour émerger sur internet doivent être d’excellente qualité (voir « vers une 4ème ère de la communication digitale« ) tant l’infobésité devient une menace concrète.

Le bureau de Ganesh ne saurait donc que trop conseiller de privilégier la qualité : investissez une plateforme prioritairement (et si c’est votre site internet, c’est encore mieux). Un choix qui n’interdit pas d’exploiter d’autres canaux, mais le modèle Bloomberg constitue un salutaire retour aux sources : pour tout projet de communication, vous avez une ou des cibles privilégiés. C’est à partir de ces cibles (et de vos objectifs) que votre stratégie éditoriale doit être pensée (voir « Comment définir sa stratégie éditoriale« ) – non pas à partir des dernières nouveautés proposées par les oligopoles du web.


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