Facebook : pourquoi la « pause » du « graph search » est un aveu d’échec

Facebook a décidé de mettre le graph search en pause. Cet outil, peu connu du grand public, permettait de faire des recherches spécialisées sur le réseau social. Cette « pause » dévoile un échec pour Facebook : l’objectif d’être un réseau social de recommandations n’est pas atteint. En tout cas, pas comme la plateforme le souhaiterait.

Pressé·e ? Voici la synthèse de l’article ! >> Alors que Facebook se voyait déjà en réseau social de recommandation sociale (pouvant vous conseiller quel film aller voir, où passer vos vacances, etc. sur la base des activités de vos amis), ses utilisateurs ne se sont pas emparés de la fonctionnalité le permettant : le graph search. Facebook reconnaît lui-même la faiblesse de l’utilisation de cet outil. En toile de fond, c’est admettre que le réseau social n’est pas utilisé pour recevoir des recommandations d’activité (lieux à visiter, etc.). Un aveu d’échec pour Facebook.

Le graph search, une optimisation du moteur de recherche de Facebook

Le graph search, créée en 2013, est une optimisation du moteur de recherche du réseau social. À sa création, le réseau social avançait que l’outil permettrait, entre autres, de « découvrir de nouvelles choses. » Avec cet exemple : découvrir quels sont les films préférés des personnes qui ont aimé (au sens de Facebook : liker) les mêmes films que moi.

Un exemple des recherches permises par le graph search.
En 2013, Facebook illustrait son outil graph search en présentant des types de recherche possible. Source : blog Facebook.

En plus de ce type de recherche, Siècle digital explique qu’un utilisateur « pouvait savoir qui avait aimé telle page ou telle photo, ou encore quand un utilisateur avait visité une ville ou s’il avait été au même endroit au même moment avec une autre personne. » Un outil particulièrement utile pour les chercheurs / chercheuses, analystes et journalistes.

Le graph search représente ce que Facebook aurait aimé être : un réseau social de recommandations

Les recherches que présentaient Facebook dans son billet de blog en 2013 représentent ce qu’aurait voulu être le réseau social : un outil de recommandation sociale. Autrement dit, que les utilisateurs et utilisatrices s’en servent comme un véritable moteur de recherche. Donc pour découvrir et apprendre des choses.

Un moteur de recherche particulier, cependant. Un moteur de recherche qui sert cette vision propre à Facebook : les recommandations de mes ami·es sont pertinentes pour la seule raison qu’elles viennent de mes ami·es.

Facebook continue de vouloir être un réseau social de recommandations. Par exemple en proposant des "séances vidéos" à ses utilisateurs et utilisatrices : permettre de visionner une vidéo avec des amis, en même temps, via Facebook.
La fonctionnalité « séance vidéo » de Facebook permet de visionner une vidéo avec des amis sur Facebook. Cette fonctionnalité illustre la philosophie du réseau social : les recommandations de mes ami·es sont pertinentes parce que ce sont celles de mes ami·es.

Le problème, c’est que cette vision de l’amitié et des effets qu’elle produit est très limitée, pour ne pas dire fantasmée. Les résultats ont d’ailleurs parlé, de l’aveu même de Facebook : peu de personnes exploitaient les possibilités du graph search.

Les réseaux sociaux créent des fonctionnalités pour le grand public… que seuls journalistes et universitaires utilisent

Cette mise en pause du graph search illustre une tendance récurrente. Les réseaux sociaux créent fréquemment des fonctionnalités qu’ils estiment (espèrent ?) utiles pour leur public. In fine, il arrive cependant que les utilisateurs / utilisatrices ne se les approprient tout simplement pas. Le cas du graph search de Facebook est une bonne illustration.

Cette tendance a aussi été illustrée récemment chez Twitter. Le réseau social a décidé, comme nous l’expliquions, d’arrêter la fonctionnalité de géolocalisation des tweets.

Là encore, les mêmes causes produisent les mêmes effets : présenté comme un outil utile pour tous, la géolocalisation était en réalité très peu utilisée. Sauf, comme le graph search, par les journalistes, analystes et universitaires.

Le public n’utilisait pas le graph search parce que Facebook est consommé passivement

La mise en pause du graph search représente bien plus qu’une simple mise à jour. C’est un aveu d’échec stratégique pour le réseau social : il n’est pas devenu, comme c’était son objectif, un réseau de recommandation sociale. Et cet échec n’est pas vraiment une surprise.

Dans notre article consacré à la « bataille de l’attention » sur internet, nous soutenions en effet que « vous ne chercherez jamais « photos des vacances de mon cousin » via le moteur de recherche de Facebook. Pourquoi ? Parce que Facebook [est un] réseau social de flux. Une information chasse l’autre, comme à la télévision (quand vous la regardez sur une vraie télévision, pas quand vous cherchez un programme précis sur votre smartphone ou ordinateur). »

Sur un vrai moteur de recherche Facebook, vous ne saurez pas quoi demander. Ne vous inquiétez pas, c’est parfaitement normal.

Facebook est un réseau social qui suscite une attention très faible. Bien sûr, il y a beaucoup d’exceptions à cette règle, des exceptions que nous détaillons dans notre article consacré à la bataille de l’attention. Mais la règle reste vraie.

Ce constat explique l’échec du graph search. En réalité, malgré la vision de Facebook, les utilisateurs et utilisatrices ne souhaitent pas faire des recherches poussées sur le réseau social. Ils et elles l’utilisent plutôt, dans la majorité des cas, comme un outil de distraction. Un constat amer pour Facebook, dont l’objectif ultime était « d’absorber » la vie sociale des gens sur son réseau. De la dupliquer en ligne. Un objectif toujours d’actualité.


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