EDF, Amazon, RockStar : du bon et mauvais usage de l’employee advocacy

L’employee advocacy est une démarche qui consiste à décentraliser la prise de parole de l’entreprise en la donnant aux salarié·es. Si le principe est potentiellement efficace pour l’image des entreprises, les modalités voulues par celles-ci font parfois dérailler le processus. Exemples avec Amazon, RockStar et EDF.

Amazon, la « guerre des clones »

L’entreprise Amazon est fréquemment critiquée pour ses conditions de travail, notamment dans ses centres logistiques. À tel point d’ailleurs que l’enseigne a récemment disparu du top 10 des enseignes préférées des Français.

Pour tenter de faire évoluer cette mauvaise image, Amazon a lancé en août 2018 une démarche d’employee advocacy. Ce qui consiste à décentraliser la parole de l’entreprise en la donnant aux salarié·es : ceux-ci sont invité·es à s’exprimer à son sujet sur les réseaux sociaux. L’objectif est double :

  • crédibiliser la prise de parole de la marque ;
  • accroître son audience.

Pour quel résultat ? Très mitigé, voire négatif. Amazon s’est en effet contenté de la version la moins aboutie de l’employee advocacy : un discours cadenassé et repris partout exactement de la même manière. Une « guerre des clones » comme l’a dit Olivier Cimelière sur le blog « Les éclaireurs de la com » (blog auquel contribue Le bureau de Ganesh).

Ces ambassadeurs Twitter sont trop similaires, trop enthousiastes. En un mot, pas crédibles : « leurs profils Twitter n’ont rien de naturel. Tous sont construits à l’identique avec une gigantesque bannière du logo d’Amazon et la citation de « FC Ambassador » dans leur alias. La biographie de chacun est calquée sur la même structure avec la mention du poste, de la localisation, du temps passé chez Amazon et de leurs passions personnelles, histoire sans doute de faire un peu plus décontracté ! » relève par exemple Olivier Cimelière.

Employee advocacy : chez Amazon, la "guerre des clones".
Sur Twitter, les ambassadeurs d’Amazon sont des clones.

Sans parler des messages publiés : « quant aux messages diffusés, ils respirent un quasi copier-coller d’éléments de langage fournis par l’entreprise. Sans parler de la tonalité qui est tellement enthousiaste qu’elle en devient décalée, voire risible face aux critiques adressées par les contempteurs d’Amazon. »

Résultat : une crédibilité nulle. Or, c’est bien la crédibilité qui est la source du succès de ce genre de démarche. In fine, ni le discours médiatique ni les sentiments des clients n’ont évolué favorablement suite à cette opération. Pire, même : des comptes parodiques ont été créés pour moquer la démarche !

RockStar, la liberté de ton

Octobre 2018. RockStar, studio de jeux vidéo employant des centaines de salarié·es, s’apprête à dévoiler son plus gros projet. À cette occasion, le patron du studio donne un entretien fleuve à la presse spécialisée et livre cette confidence qu’il pense anodine : les membres du studio abattent des « semaines de cent heures » pour boucler le projet. Bronca immédiate. Sur Twitter et ailleurs, le studio est très critiqué pour ses conditions de travail.

Deuxième temps. Le directeur du studio précise ses propos et avance que seuls les scénaristes étaient concerné·es par cette surcharge. Un argument qui ne suffit pas et qui pousse l’entreprise RockStar à, elle aussi, lancer une démarche d’employee advocacy. Avec une différence majeure par rapport à Amazon : la liberté donnée aux employé·es de dire ce qu’ils veulent.

C’est ainsi que témoigne, entre autres, une des employé·es du studio en annonçant au préalable que « Rockstar nous a donné la permission de parler franchement de ce problème sur les réseaux sociaux. J’insiste sur le fait que ceci est mon opinion personnelle sans filtre (…).« 

R* has granted permission for us to speak frankly about this issue on social media. I want to stress that this is is my uncurated personal opinion, I am not being compensated for this post in any way and am making it voluntarily. I’m only going to speak to my personal experience.— Vivianne Langdon Exists 🏳️‍🌈 (@viiviicat) 18 octobre 2018

Suit un discours assez nuancé, bien que globalement positif, à propos des conditions de travail du studio RockStar. Adopter une telle approche permet de bénéficier d’une crédibilité bien plus importante. La preuve : si les critiques des ex-employé·es et client·es du studio ont continué à affluer, les témoignages Twitter des employé·es actuel·les ont également été cités dans la presse. Ce rééquilibrage du discours médiatique a été rendu possible non seulement en raison de cette démarche d’employee advocacy, mais surtout parce qu’elle permettait la liberté de ton. Laquelle liberté faisait de chaque intervenant·e un·e témoin crédible.

EDF, la voie médiane ?

En France, EDF semble avoir choisi une voie médiane entre les deux exemples cités ci-dessus. Par le biais du hashtag « #TousCommerciaux », l’entreprise invite ses salarié·es à témoigner des « valeurs » de l’entreprise, de « ses offres » et de la « qualité de sa relation client« .

Lancement de #TousCommerciaux : qui mieux que nous, salariés, pour expliquer pourquoi #EDF est un énergéticien différent, unique par ses #valeurs, ses #offres et la qualité de sa #relationclient ? #JechoisisEDF pic.twitter.com/rQunfbzd8I— Henri Lafontaine (@HenriLf) 16 mai 2018

Le cadre est donc clairement posé : il s’agit bien de parler positivement de l’entreprise, voire de réaliser du social selling (utiliser les réseaux sociaux pour contribuer à la vente des services et produits de l’entreprise), et certainement pas de témoigner d’éventuels dysfonctionnements.

Les tweets publiés par les salarié·es d’EDF relèvent donc de la communication institutionnelle. Médiatiquement, la crédibilité est donc probablement faible : il y a peu de chance que ces messages soient repris au-delà de l’entreprise.

[Client] Savoir-faire et passion au service de la gourmandise 🍫🍬 Visite chez notre client @chocolatsvoisin : @EDF_Entreprises heureux de célébrer ensemble 120 ans d’excellence, de fidélité et d’innovation au service du plaisir ! #touscommerciaux pic.twitter.com/fVs9S6NgOt— ChristianMissirian (@ChMissirian) 3 juillet 2018

En revanche, qu’EDF ait lancé cette démarche sans attendre une crise est une très bonne chose pour l’entreprise. D’abord, les volontaires ont le temps de s’approprier l’outil Twitter ainsi que la démarche #TousCommerciaux dans un contexte apaisé. Ensuite, si une crise se déclenche, la notoriété de ces comptes sera sans doute déjà plus élevée, ce qui permettra de maximiser les chances que leurs messages soient relayés.


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