Twitter : contre les trolls, une police automatisée

Les trolls, ces générateurs ambulants de controverses, vivent-ils leurs derniers moments de gloire sur Twitter ? C’est en tout cas l’espoir du réseau social, qui a annoncé le déploiement d’un nouvel algorithme qui vise à les invisibiliser.

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Sur quels points se concentre l’algorithme « anti-trolls » de Twitter ?

Il repose sur une (longue) série d’indicateurs, qu’on pourrait compter « par centaines ». À titre d’exemple :

  • un compte sans adresse mail vérifiée ;
  • une personne possédant plusieurs comptes créés à la même période ;
  • le fait qu’un compte mentionne des gens qui ne le suivent pas…

En résumé, pour David Gasca, directeur de la gestion des produits, dont les propos sont rapportés par Pixels : « Nous ne nous focalisons pas sur le contenu du message en question mais sur le comportement de la personne qui l’a posté. »

Qui est visé ?

Twitter semble distinguer les gentils trolls, « amusants, bons et plein d’humour » des méchants trolls, « qui faussent et nuisent à la conversation. » Son algorithme se concentrerait exclusivement sur les seconds.

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En volume, le réseau social estime qu’autour de 1 % des comptes existants pourraient être touchés.

Comment ça se traduit pour les usagers de Twitter ?

Les tweets impactés par cet algorithme ne sont pas contraires aux conditions d’utilisation du réseau, mais ils seront bien invisibilisés par défaut.

Deux méthodes de contournement :

  • utiliser le bouton « Afficher plus de réponses » dans une conversation donnée
  • ou bien désactiver l’invisibilisation une fois pour toutes dans vos paramètres.

Si l’algorithme est bien reçu par certains, comme Lucas Matney, de chez TechCrunch :

« I think it’s grown pretty apparent as of late that Twitter needs to lean on its algorithmic intelligence to solve this rather than putting the burden entirely on users hitting the report button. »
« Je pense qu’il est devenu évident que Twitter doit s’appuyer sur son intelligence algorithmique pour régler cela, plutôt que de faire porter entièrement le fardeau du signalement [des tweets de trolls] exclusivement à ses usagers. »

D’autres dénoncent le fait qu’ils se sentent déssaisis de leur prérogative à faire le tri eux-même parmi les tweets :

D’autres estiment déjà avoir été blacklistés à tort :

Pourquoi les algorithmes ne résoudront pas tout

Au bureau de Ganesh, on en est convaincus, les algorithmes sont avant tout une affaire humaine. C’est-à-dire qu’ils véhiculent les convictions, positions et biais des personnes qui les ont créés. En se focalisant sur d’autres éléments que le contenu même des tweets, il est possible que les biais de conception des algorithmes, résultats des biais des ingénieur·es qui les conçoivent, les rendent moins efficaces.

Voire pire : ces algorithmes pourraient bien créer plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Par exemple, comment traiter un internaute qui ne résistera pas à la tentation de troller occasionnellement (et pas forcément méchamment) ? Deviendra-t-il tout bonnement invisible ? Comment sera traité le tweet d’un internaute interpellant une marque pour régler un problème commercial avec elle ? Autant de problèmes qui seront forcément mieux appréciés par un / une modérateur / modératrice qu’un programme informatique… et Twitter le sait bien puisque même YouTube est revenu sur sa décision du 100 % algorithme pour sa modération !

Quoi qu’il en soit, cette nouvelle utilisation des algorithmes pour tenter de régler des (vrais) problèmes de harcèlement sur les réseaux sociaux, renforce une tendance : l’utilisation d’une police privée et automatisée au détriment de la justice et des bons vieux humains. YouTube, malgré son renfort de modérateurs et modératrices, s’est de multiples fois illustré par ses errements en la matière, même si dans ce cas, il ne s’agissait pas de lutter contre le harcèlement mais de veiller au droit d’auteur des différents créateurs et créatrices. Twitter suit pourtant cette voie.

Affaire à suivre…


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