Le trafic web des « business mourants » n’intéresse plus Facebook

Facebook se fout de vous apporter du trafic web. C’est en substance le message ahurissant d’un haut responsable du réseau social, lâché en août 2018. Si la pique était adressée aux médias d’informations, il est probable que tous les éditeurs de contenus soient concernés. 

C’est une réunion a priori banale pour les journalistes de The Australian. L’enjeu du jour : comment travailler avec Facebook pour réaliser les meilleures performances possibles sur le réseau social. Facebook organise en effet régulièrement des formations et réunions de ce type pour convaincre les médias d’utiliser sa plateforme et ses régulières nouvelles fonctionnalités.

Sauf que, ce jour-là, le représentant de Facebook, Campbell Brown, fait une déclaration ahurissante :

« Mark Zuckerberg doesn’t care about publishers but is giving me a lot of leeway and concessions to make these changes. » « We will help you revitalise journalism … in a few years the ­reverse looks like I’ll be holding your hands with your dying ­business like in a hospice. »

En bon français, cela donne : « Mark Zuckerberg ne s’intéresse pas aux journaux mais il me donne une grande latitude pour faire changer les choses. Nous allons vous aider à revitaliser le journalisme… Autrement, dans quelques années, nous vous tiendrons la main, à vous et votre business mourant, comme à l’hospice. »*

Si M. Brown conteste ce propos, 5 membres du journal « The Australian » présents lors de cette rencontre le confirment.

Pourquoi Facebook n’a pas intérêt à être une source de trafic web

L’histoire, racontée par le journal et rapportée par le site de la fondation pour le journalisme d’Harvard, est loin d’être anecdotique. En réalité, elle traduit même ce que les médias constatent depuis des années : Facebook n’a pas vraiment intérêt à leur apporter du trafic web.

Et pour cause : pour le réseau social, l’enjeu est prioritairement de garder les internautes chez lui. Le modèle économique de Facebook est en effet lié à la location d’espaces auprès des entreprises : celles-ci louent ces espaces afin d’y insérer de la publicité. De ce point de vue, plus les internautes passent du temps sur Facebook, plus ils sont un public-cible intéressant.

Or, apporter du trafic aux sites des médias signifie, mécaniquement, laisser les internautes partir de Facebook. Voilà pourquoi le réseau social n’a pas intérêt à se faire source de trafic pour les sites web.

Depuis des années, les performances des médias sur Facebook chutent

La tendance n’est pas nouvelle : Facebook dégrade depuis des années la visibilité des médias. Une dégradation qui se traduit par la baisse de trois grands indicateurs :

  • la « portée », c’est-à-dire le nombre de personnes qui voient effectivement la publication d’une page affichée dans leur flux ;
  • l’engagement, c’est-à-dire les interactions avec les publications des pages ;
  • le trafic amené de Facebook vers les sites web.

La chute des performances pour ces indicateurs a été documentée à de multiples reprises : ici par exemple pour l’engagement, là pour la portée et ici pour le trafic. Une triple chute qui nous avait déjà amené à poser la question : faut-il monter (ou rester) dans le paquebot Facebook ?

L’effondrement du trafic web issu de Facebook

Du point de vue du trafic, l’exemple de Slate US est très parlant. En 1 an et demi (de début 2017 à mi-2018), le trafic web du journal en ligne en provenance de Facebook a baissé de… 87 % !

Graphique montrant la baisse de trafic web issu de Facebook pour Slate.
En un an et demi, le trafic web de Slate en provenance de Facebook a considérablement baissé. Sources : Slate et Parse.ly

Pour Slate, cela s’explique par le fait que le journal payait une entreprise chargée de “placer” ses contenus sur des pages Facebook très populaires (de célébrités, par exemple), des pages Facebook rémunérées pour accueillir ces contenus. Début 2018, Facebook a modifié son règlement pour interdire ce type de pratique. En conséquence de quoi le trafic de Slate US a drastiquement chuté.

Un cas exceptionnel ? Non. D’après le « Reuters institute » et Parse.ly, c’est bien le trafic global issu de Facebook qui baisse :

Graphique illustrant la baisse de trafic web issu de Facebook pour 2 500 médias présents dans le monde entier.
Pour les 2 500 sites de médias, présents dans divers pays, le trafic en provenance de Facebook chute. Sources : Reuters institute et Parse.ly.

Trois pistes pour faire face à la chute de trafic issu de Facebook

Plusieurs actions sont possibles, même s’il faut garder en tête qu’aucune solution miracle, unique et simple d’accès n’existe. Nous pouvons cependant donner trois grandes pistes pratiques, que chacun·e pourra adapter à son contexte professionnel.

1. Ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier

En diversifiant vos sources de trafic, vous subirez mécaniquement moins les conséquences des changements d’algorithme de Facebook (ou d’un autre acteur !). Certaines entreprises médiatiques ont en effet surinvesti Facebook et s’en mordent les doigts.

2. Multipliez les sources… « propriétaires »

Facebook est en effet, comme la grande majorité des réseaux sociaux, un espace que vous « louez ». La preuve : quand le propriétaire décide de faire évoluer son espace, il ne vous demande pas votre avis.

De ce point de vue, il est nécessaire d’utiliser aussi des canaux sur lesquels vous êtes souverain. C’est le cas par exemple des mails (les newsletters, qui restent très efficaces) et de vos sites web, blogs, forums et tout autre outil web propriétaire.

3. Travaillez votre contenu pour fidéliser le lectorat

Avec un contenu régulier et de qualité, vous fidéliserez vos lecteurs et lectrices. Lesquel·les deviendront alors, potentiellement, des internautes qui consulteront directement votre site, sans passer par un moteur de recherche, un réseau social ou un autre canal. Résultat : une moindre dépendance aux canaux que vous ne maîtrisez pas.

Bien entendu, cet objectif nécessite un travail de longue haleine et il est très peu probable que la majorité de votre lectorat vienne directement sur votre site (sauf cas exceptionnel). Néanmoins, atteindre ne serait-ce que 10 à 20 % de trafic issu des visites directes sur votre site serait déjà un excellent résultat.

*Alerte traduction maison.


Si vous avez des suggestions, n’hésitez pas à nous en faire part, sur notre page LinkedIn ou en nous envoyant un message, ici.

Vous pouvez aussi recevoir tous nos conseils pratiques dans votre boîte mail une fois par mois ! D’ailleurs, on vous le souffle : à partir de la rentrée, certains de nos articles seront réservés à nos abonnés… pour les remercier de leur fidélité !